Hommage à Satoshi Kon, une figure majeure de la japanime

 


Méconnu du grand public, Satoshi Kon est pourtant une des figures majeures du cinéma d'animation japonais. Douze ans après sa disparition, les éditions Ynnis réparent cette injustice avec la sortie du mook Hommage à Satoshi Kon. On pourra y découvrir le parcours de ce réalisateur passionnant, auteur du chef-d’œuvre lui aussi méconnu Paprika, grâce auquel il acquiert une renommée internationale via sa sélection à la Mostra de Venise. 

Mais revenons à ses débuts. Alors qu'il n'est encore qu'étudiant en communication visuelle, il remporte en 1985 un prix avec son premier manga, Toriko. Dès lors, sa carrière démarre sur les chapeaux de roue avec une pointure du milieu qui n'est autre que Katsuhiro Ōtomo. A ses côtés, Satoshi intervient en tant qu'assistant mangaka sur son œuvre culte Akira. Il sera durablement influencé par le style graphique d’Ōtomo : des personnages réalistes et des décors très détaillés. Il travaillera ensuite sur Patlabor 2 avec Mamoru Oshii, une autre figure tutélaire de la japanimation et réalisateur du mythique Ghost in the shell. C’est à partir de 1995 qu’il se consacre pleinement au cinéma d'animation en participant en tant que scénariste et directeur artistique à Memories et son volet le plus réussi, Magnetic rose. En 1997, il réalise son premier film Perfect blue qui sera aussi son premier succès en remportant plusieurs prix dans des festivals. 

 

© Ynnis éditions

Avec pertinence, l’auteure Bounthavy Suvilay nous offre un éclairage sur les conditions historique, économique et technique dans lesquelles ont pu naître les œuvres de Satoshi Kon. Dans la période d’après-guerre, très influencée par la culture états-unienne, deux studios d’animation émergent, Mushi production et surtout la Toei qui avait pour ambition de devenir le Disney de l’Orient. L’auteur recontextualise également l’émergence des premières séries d’animation japonaises, une étape préalable à la création du studio Madhouse, qui va constituer une réelle alternative aux productions de la Toei et de Ghibli s’adressant à un public jeunesse. Dans les années 1990, Madhouse se restructure pour se focaliser sur les longs métrages et le circuit de la VHS (OAV), ce qui lui permet de cibler un public plus adulte avec des films de genre : science-fiction, horreur et épopée médiévale. Katsuhiro Ōtomo fera partie de l’aventure en tant que character designer. Quant à Satoshi Kon, il réalisera Perfect blue, sur proposition d’un producteur du studio qui lui restera fidèle pour ses trois films suivants, Millenium actress, Tokyo godfather et son chef-d’œuvre Paprika, adapté librement du roman éponyme de Yasutaka Tsutsui, sorte de Philip K. Dick nippon.

 

© Madhouse

 

Enfin, l’auteure revient sur l’héritage laissé par Satoshi Kon, notamment au sein de l’industrie hollywoodienne et quelques-uns de ses plus illustres réalisateurs. Darren Aronofsky s’est, en effet, inspiré de Perfect blue dans Requiem for a dream et surtout Black swan tandis que Christopher Nolan a été fortement influencé par Paprika pour l’intrigue et les effets visuels de Inception. En outre, si jusqu'à présent, il n'a curieusement pas eu d'épigone au Japon, Satoshi Kon est cité comme une influence majeure par Jérémy Clapin, le réalisateur du très beau J'ai perdu mon corps.

 

© Ynnis éditions

 

Premier ouvrage en français relatant la totalité de l’œuvre de Satoshi Kon, mangas, série et films d’animation compris, Hommage à Satoshi Kon montre toutes les facettes du talent de l’artiste. Entièrement dévoué à son travail et ultra perfectionniste, il exigeait qu’il en soit de même pour ses équipes. Si l’ensemble de ses collaborateurs louent son génie créatif, ils regrettent toutefois son caractère irascible sous l’emprise de l’alcool. En conclusion, Bounthavy Suvilay nous offre un superbe ouvrage aussi riche en termes de visuels que textuels, de son parcours à son processus de création, en passant par le contexte culturel japonais de production, jusqu’à ses héritiers les plus renommés en France et aux États-Unis. Un must-have pour tous les amoureux du cinéma, de la japanimation et les néophytes qui souhaiteraient découvrir cet univers par l’un de ses plus brillants représentants. Et pour les fans du maître, sachez que Paprika sera bientôt adapté en série live-action coproduite par Amazon Studios.

 


 

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